La gratuité de l'enseignement et la réforme de l'education

Dans le cadre de la réalisation des objectifs du Millénaire pour développement et de la croissance économique de la RDC, une attention particulière est portée au rôle que le secteur de l'éducation devrait jouer dans l'inclusion sociale et la réduction des inégalités. Aujourd’hui en République démocratique du Congo, l'éducation est devenue le deuxième poste de dépenses le plus important du gouvernement. En fait, le gouvernement prévoit de dépenser 21 % du budget 2020 pour fournir ce service. Ainsi, le nouveau gouvernement par le biais du chef de l’état a décidé de rendre effective la gratuité de l’éducation en accord avec la constitution, en son article 43, de ce fait 3 milliards de dollars, ont été alloués à ce dernier dans le budget de l’exercice 2020. Cependant, au-delà de l'allocation budgétaire, qui est une bonne mesure pour amener les moins privilégiés à l'école, leur donner la possibilité d'apprendre, et pour les sortir de la rue, nous devrions nous demander si cette allocation en faveur de l'éducation est suffisante ? Ou bien, compte tenu de l'état actuel du secteur de l'éducation, le gouvernement devrait adopter une approche plus stratégique, étendue sur un cycle préétabli, afin d’accomplir une réforme globale efficace.

L'éducation est définie comme l'acte ou le processus de transmission ou d'acquisition de connaissances générales. L'acquisition de connaissances peut se faire par le biais d'institutions privées ou publiques. Donc si l'éducation était principalement dispensée par des institutions privées, elle ne serait pas dispensée en quantité suffisante à tout le monde en raison de l'obstacle des coûts associés à sa prestation et des bénéfices pour les écoles privées, seules les familles ayant des revenus plus élevés de par la moyenne générale seraient en mesure de dispenser davantage d'éducation à leurs enfants que les familles ayant des revenus moins élevés, creant ainsi des opportunités plus nombreuses et meilleures pour ceux qui peuvent se le permettre. Ainsi, la provision par le gouvernement d'une éducation primaire universelle est nécessaire pour niveler le terrain, accomplir la justice sociale et garantir que plus d'enfants reçoivent l'éducation qu'ils méritent. Par conséquent, l’allocation budgétaire tels que prévu par le gouvernement constitut la première étape vers une réforme globale de l'éducation, mais pour que cet investissement produisent des effets escomptés sur la société en général, il faut faire davantage, il faudrait avoir une approche méthodique, et financière pour arriver à déterminer les différents impacts du choix fait et la nécessité de cette dernière.

Dans les finances publiques, il existe deux types de dépenses : les dépenses de consommation et les dépenses d'investissement. L'allocation de 3 milliards pour l'éducation gratuite est un investissement, car le gouvernement attend de cet investissement des résultats futurs, en termes d'augmentation de la participation scolaire , de la réduction considérable du niveau d'analphabétisme, de la productivité, et de la diminution de la criminalité, etc. 

Par conséquent, une allocation budgétaire considérée comme une dépense d'investissement, doit entreprendre une analyse pour mesurer le coût et les bénéfices qui y sont associés, en d'autres termes, pour mesurer le retour sur investissement de cette dépense. Cette analyse permettrait aux décideurs politiques, en effectuant les études nécessaires, d'anticiper si les bénéfices de cette politique dépassent ses coûts (et de combien), par rapport à d'autres alternatives, et de classer les politiques alternatives en termes de coûts et de bénéfices pour évaluer l'opportunité d'une politique donnée afin de permettre une meilleure prise de décision et une gestion efficace des fonds alloué, tout en gardant à l’esprit que Lorsque l'éducation ne constitue pas un investissement stratégique, plus d’argent est dépensé par la suite pour tenter de remédier aux causes de cet échec.

Comme nous le savons des experts et des principaux acteurs, l'éducation au Congo, spécifiquement l'enseignement primaire et secondaire porte certaines spécificités qui sont propres au pays. En raison de l'état de notre économie et du niveau élevé de pauvreté, une majorité de familles prennent certaines décisions qui ont un impact sur le futur bien-être éducatif de leurs enfants, ce qui est surtout le cas dans les zones rurales. L'une de ces décisions, parmi tant d'autres, concerne les futures possibilités de scolarisation des enfants. Il s'agit de la décision prise par les parents de décider quel enfant peut aller à l'école ou non, quel enfant peut simplement suivre l'enseignement primaire et non l'enseignement secondaire, la plupart du temps, en raison d'une barrière culturelle et économique, les parents choisissent le garçon et renoncent à la fille.  De cette décision ressort deux impacts considérables, la première est le niveau considérable d’abandons scolaires (drop-outs) d’un cycle à un autre et la deuxième est le taux élevé d’analphabétisme au milieu des enfants. Ces deux impacts crée un problème fondamental que la gratuité règle en partie car elle crée une incitation dans le chef des parents pour envoyer leurs enfants à l’école, cette dernière renvoie la charge de scolarisation des parents vers l’état, mais elle ne résout pas le problème de savoir si la jeune fille en milieu rural a vraiment accès à une école ou si elle recevra une éducation de qualité qui compensera le fait de rester à la maison. Il s'agit d'un problème qui doit être traité en profondeur, ce qui ne peut se faire en se contentant de verser plus d'argent dans le système.

Selon des sources officielles, 4 millions d’enfants n’étaient pas scolarisés en 2018, depuis que l'éducation primaire universelle a été officiellement déclarée, elle a attiré 2.5 millions de nouveaux élèves supplémentaires en septembre 2019. Ce nouvel afflux d'élèves a créé une pression sur les diverses infrastructures scolaires qui étaient conçues pour accueillir 50 élèves par classe (ratio qui est considérablement au-dessus de la moyenne des pays du G20), mais qui a maintenant vu le nombre d'élèves s'élever à 104, 107 par classe, ce qui aura un impact certain sur la qualité de l'enseignement et créera une pénibilité du travail pour le personnel enseignant. Comme le dit le professeur Jonathan Gruber : L'éducation est un bien concurrent avoir plus d'enfants dans une salle de classe peut diminuer la qualité de l'enseignement.

Sur le terrain, l’effectivité de la gratuité de l’enseignement, a également créé diverses frictions au sein des principaux intervenants à savoir : les parents, syndicats d’enseignants et le gouvernement, frictions nées des différentes préoccupations tels que les rémunérations pour le personnel enseignant, les frais de fonctionnement pour les écoles et les diverses approches proposés par chacun des intervenants sur la méthode à suivre pour la mise en œuvre de cette politique. Pour répondre aux préoccupations des syndicats et autres, le gouvernement a proposé de les résoudre, de manière progressive, en tenant compte des ressources budgétaires disponibles et des apports des bailleurs de fonds.

Au-delà des incertitudes sur l’approche à suivre pour l’application de la gratuité de l’enseignement, la problématique de la réforme de l’education (infrastructures scolaires, qualité de l’enseignement, et personnel enseignant) se pose avec urgence. Car la fourniture de l’éducation universelle de base est l’une des plus importantes fonctions menées par les gouvernements dans les pays développés et à travers le monde. Cette gratuité deviendra -t-elle aussi l’une des plus importantes fonctions dans notre pays en prenant en compte les paramètres essentielles ? ou bien restera-t-elle simplement une politique isolée fruit d’un investissement massif non réalisées.

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